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La question n'est pas nouvelle; plusieurs fois déjà elle a été étudiée, et diverses solutions lui ont été données. Kern, dans son Histoire du bouddhisme dans l'Inde (1), rejetant l'opinion communément admise en Extrême-Orient, plaça Vasubandhu au VIe siècle de notre ère. Buhler (2) essaya vainement de le ramener au IVe : la thèse de Kern conserva la faveur des indianistes. En 1890, M. Sylvain Lévi, dans son remarquable ouvrage sur Le théâtre indien (3), tentait d'établir que la période d'activité de Vasubandhu couvrait toute la première moitié du VIe siècle ; et dans une note sur La date de Vasubandhu (4), il la reportait même jusqu'au milieu et à la fin de ce siècle. Depuis lors à diverses reprises, notamment dans ses Donations religieuses des rois de Valabhī (5) et dans ses Notes chinoises sur l'Inde parues ici même (6), il s'est efforcé d'étayer sa thèse de nouvelles considérations. M. Takakusu Junjirō, après avoir proposé les limites de 450–550 pour l'« àge moyen » (7) dans lequel Yi-tsing range Vasubandhu et Asaṅga, essaya ensuite de les préciser davantage en ce qui concerne le premier et d'établir qu'il avait vécu de 420 à 500 environ de notre ère (8). En 1908, M. Wogihara (9) démontrait en détail ce que les anciens catalogues chinois du Tripiṭaka, Nei tien lou, K'ai-yuan lou, etc., des écrivains comme Touen-louen des T'ang dans son Yeou-kia louen ki (1), еt M. Nanjio Bunyu (2) avaient déjà dit sommairement, à savoir qu'un ouvrage d'Asaṅga, le Yogācāryabhūmi çāstra (3), avait été partiellement traduit en chinois par Dharmarakṣa entre 414 et 421, soit dès le commencement du Ve siècle (4).
Enfin dans l'introduction de sa traduction du Mahāyāna-Sutrālaṃkāra (5) parue en 1911, M. S. Lévi, abandonnant sa première opinion, écrit à propos d'Asaṅga : « Son activité couvre toute la première moitié du Ve siècle, en débordant de part et d'autre sur les deux extrémités de cette période. » C'est peutêtre un peu long, car si Asaṅga a vécu soixante-quinze ans, les documents à notre connaissance nous disent qu'il chercha sa voie un certain temps. N'oublions pas d'ailleurs que le Yogācāryabhūmi çāstra, l'œuvre maîtresse d'Asaṅga, est de dimensions considérables: la traduction chinoise compte 100 kiuan. Son importance dogmatique n'est pas moindre. Il est l'expression d'une pensée maîtresse d'elle-mème, qui a dépassé la période des incertitudes et des tàtonnements. Il est assez peu vraisemblable, mème sans tenir compte des indications données par Paramārtha dans sa vie de Vasubandhu, qu'il ait été écrit par un tout jeune homme. En tout cas, quelque différence d'àge qu'on veuille admettre entre Asaṅga et Vasubandhu, — et il faut tenir compte de l'existence d'un troisième frère, Viriñcivatsa (6) — celui-ci, bien qu'il ait vécu quatre-vingts ans, n'aurait pu, dans ces conditions, dépasser ni mème atteindre la fin du Ve siècle.
D'une manière générale, il semble que dans les études qui ont porté sur ce sujet, quelques documents aient été ignorés et que d'autres aient été délibérément écartés de la discussion comme douteux. En bonne logique, ce simple doute qui ne parait pas avoir jamais été sérieusement éclairci, suffirait à enlever toute sécurité aux conclusions que l'on a cru pouvoir formuler sans en tenir compte, ou si l'on préfère, elles ne sauraient ètre que provisoires tant que la menace qu'il laisse planer sur elles n'a pas été définitivement écartée. La question me parait donc devoir ètre reprise, les documents déclarés douteux soumis à un nouvel examen, et mis en œuvre aussi ceux qui n'ont pas encore été utilisés. Je n'ai pas d'ailleurs la prétention d'ètre complet. C'est à peu près uniquement à la première série, (missing characters), du Supplément du Tripiṭaka de Kyōto, œuvres hindoues et chinoises, que sont empruntés les textes qu'on trouvera au cours de cette étude. Les quelque 700 fascicules déjà parus de cette admirable publication, d'une importance capitale pour les études bouddhiques, en contiennent sans doute d'autres encore, qu'une recherche plus approfondie et plus complète ferait découvrir. Je n'ai pu que feuilleter les œuvres qui m'ont paru devoir ètre les plus intéressantes pour mon sujet par leur date, leur auteur ou leur genre. (Péri, preliminary remarks, 339–41)
Notes
1. T. II, p. 414; Annales du Musée Guimet, t. XI, p. 450; il parle principalement d'Asaṅga, et se basant sur la date de l'avènement de Çīladitya (610, propose les dates de 485 à 560. C'est évidemment à cet ouvrage que la Chronology of India de Mrs. Mabel Duff les emprunte, et non au Buddhismus de Vassilieff, auquel elle renvoie. Celui-ci ne dit rien de tel; si je ne me trompe, il donne seulement la date bouddhiste de 900 ans, dont je parlerai plus loin.
2. Die indischen Inschriften und das Alter der indischen Kunst-Poesie, dans Sitzungsberichte der Kais. Akademie der Wissenschaften, Wien, 1890, p. 79 sqq.
3. Cf. I, 165, et II, 35.
4. Journal Asiatique, 1890, II, p. 552–553.
5. Bibliothèque de l'Ecole des Hautes-Etudes. Sciences religieuses, vol. VII. Etudes de critique et d'histoire, p. 97.
6. La date de Candragomin. BEFEO, III (1903), 47-49.
7. A Record of the Buddhist religion.... by I-tsing, p. VIII.
8. La Sāṃkhyakārikā étudiée à la lumière de sa version chinoise, BEFEO, IV (1904), p. 37-56; et A study of Paramārtha's life of Vasubandhu and the date of Vasubandhu, dans Journal of the Royal Asiatic Society, 1905.
9. Asaṅga's Bodhisattvabhūmi, ein dogmatischer Text der Nordbuddhisten, Leipzig. B. E. F. E.-O. T. XI. —22.
1. Grand ouvrage en 48 k., publié dans le supplément au Tripiṭaka de Kyoto, 1re
série, boites LXXV, fasc. 4 et 5, et LXXVI, fasc. 1 à 4. Le passage cité se trouve boite LXXV, fasc. 4, p. 308.
2. Cf. Nanjio, Catalogue, nos 1083, 1086, etc.
3. Nanjio, Catalogue. no 1170.
4. Le canon chinois contient sept ou huit traductions partielles de cet ouvrage, faites à des époques parfois très voisines les unes des autres, sous des titres différents ; encore n'avons-nous pas toutes celles qui le furent: le K'ai-yuan lou, k. 12, en cite une dizaine pour le mème texte. Le fait qu'il en existait des extraits si nombreux, assez différents pour que des contemporains les traduisissent séparément à quelques années de distance, permet de croire qu'un intervalle assez long sépare la composition de l'ouvrage des premières traductions d'extraits faites en Chine.
5. B. E. H. E. Sciences historiques et philologiques, fasc. 190, p. *2.
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